• Fable de Jean Anouilh :

    Un chat tuait sans vrai désir. C'était un chat très riche et il n'avait pas faim.
    Il faut bien se distraire, enfin:
    Chat bourgeois a tant de loisirs...
    On ne peut pas toujours dormir sur un coussin.
    De souris, il ne mangeait guère; Son pedigree fameux l'ayant mis au-dessus
    Des nourritures du vulgaire.
    Son régime était strict. Cet immeuble cossu,
    En outre visité, à dates périodiques,
    Par les services de la dératisation,
    Gens aux procédés scientifiques,
    Tuant sans joie ni passion,
    Au nom de l'administration,
    De rat, de vrai bon rat, qui fuit et qu'on rattrape
    Négligemment, ne le tuant qu'à petits coups Sans tuer son espoir - vrai plaisir de satrape -
    II n'y en avait plus du tout
    Avec leurs poisons et leurs trappes.
    Restaient quelques moineaux bêtes et citadins,
    Race ingrate
    Qu'on étendait d'un coup de patte: Assez misérable fretin.
    Oubliant les rats, L'employé du service d'hygiène ne vint pas.
    On l'avait convoqué Sur une autre frontière,
    Pour tuer cette fois des hommes. Et la guerre,
    Approchant à grands pas des quartiers élégants,
    Les maîtres de mon chat durent fuir sans leurs gants,
    En un quart d'heure, sur les routes incertaines.
    Dans l'impérieux souci de sauver leur bedaine
    Ils oublièrent tout, les bonnes et le chat
    Les bonnes changèrent d'état.
    Loin de Madame, violées par des militaires,
    Elles si réservées, elles se révélèrent
    Putains de beaucoup de talent.
    Leur train de vie devint tout à coup opulent
    Et elles prirent une bonne.
    Après un temps de désarroi,
    Le chat, devenu chat, comprit qu'il était roi;
    Que la faim est divine et que la lutte est bonne.
    D'un œil blanc, d'une oreille arrachée aux combats
    Dont il sortit vainqueur contre les autres chats,
    II paya ses amours royales sous la lune. Sans régime et sans soin, ne mangeant que du rat
    II perdit son poil angora
    Qui ne tenait qu'à sa fortune
    Et auquel il ne tenait pas;
    II y gagna la mine altière
    Et l'orgueil des chats de gouttière,
    Et bénit à jamais la guerre Qui offre aux chats maigris des chattes et des rats.
    Jamais ce que l'on vous donne Ne vaudra ce que l'on prend
    Avec sa griffe et sa dent. La vie ne donne à personne.

     

    Fable de Jean Anouilh :  

     

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  • Commentaires

    1
    Sara Laura Profil de Sara Laura
    Mercredi 5 Juin 2013 à 12:06

    Un peu difficile pour moi je dois le lire deux fois, et bien sûr encore une autre! Mais j'ai saisi un caracter ingenieux, pour ça sa difficulté pour moi!

    Je vais le copier et le lire avec tranquillité. Gros bisous.

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